Les PLUCHET, grands fermiers, la seconde dynastie trappiste

De Le Lab des Archives - Yvelines
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La famille PLUCHET, tout comme la famille Dailly, a écrit de longues pages - parfois très belles, parfois plus critiquables - de l'histoire du Plateau de Trappes depuis la Révolution jusqu'au lendemain de la Grande Guerre.

Les PLUCHET ont su su tirer parti de leur position de fermier receveur des plus grandes terres d'Ile de France et de leur grande expérience de la terre. Elle a pu se créer une place influente dans le monde de l'agriculture jusqu'au niveau national, où elle fut reconnue comme novatrice, au point qu'une de ses grandes fermes fut citée comme ferme modèle que l'on venait encore visiter au début du 20ème siècle. La famille PLUCHET est très représentative de la nouvelle notabilité que se sont forgée les grands bourgeois de la fin du 18ème siècle et qui ont pu, grâce à la Révolution française, jouer des rôles de premier plan dans l'ensemble de la société, y compris dans le monde politique.

Le premier PLUCHET arrivé sur le plateau de Trappes est Thomas (nous lui donnons le numéro 1). Thomas 1 est né à Morangis le 7 mai 1710, où son père François, ex charretier, est devenu fermier laboureur et receveur de la terre et seigneurie de Morangis. Thomas 1 PLUCHET, s'installe au hameau de Troux à Guyancourt, où il est fermier du Roi et des Dames de Port-Royal. Il se marie en 1741 avec Marie Catherine CHARLEMAGNE fille d'un fermier, procureur fiscal à Drancy puis à Bobigny. Ensemble ils ont sept enfants dont Thomas 2 et Vincent Charlemagne 1. Il se retire à Versailles comme bourgeois où il décède en 1772.

Thomas 2 PLUCHET est né le 2 août 1749 se marie à Trappes avec Marie Denise DAILLY, fille du premier des DAILLY de Trappes, le 17 juin 1766. A partir de son mariage il devient fermier de la ferme royale de la Tremblaye à Bois-d'Arcy jusqu'en 1794 puis il sera fermier de la ferme de Gally à Saint Cyr (classée Monument Historique) de 1787 à 1795 et simultanément à Trappes à partir de 1791 (ferme exploitée au nom de sa femme).

Thomas 2 décède dans l'étang de Saint-Quentin, le 15 décembre 1795; il a traversé l'étang gelé à cheval en venant de Bois-d'Arcy. Il avait 46 ans.

Pendant ce temps son fils, Louis Vincent Charlemagne ou Vincent Charlemagne 2, né en 1774 à Bois-d'Arcy est volontaire national en 1792. Engagé le 10 septembre 1792, avec le grade de sergent dans le 6ème Bataillon des Volontaires nationaux de Seine et Oise qui rejoint l'Armée du Haut-Rhin. Il aurait participé à la bataille de Valmy. Son bataillon est intégré dans l'armée de Sambre et Meuse et il combat en Belgique. Le 18 vendémiaire an 4 (2 octobre 1795), il est nommé sous-lieutenant du 4e bataillon de cette Compagnie. Au décès de son père, il démissionne le 1er thermidor an 4 (19 juillet 1796) et rentre à Trappes auprès de son oncle Louis Dailly.

Et en 1796 sa fille, Victoire Gertrude se marie à Henri Martin NOTTA, grand fermier et maire à Montigny-le-Bretonneux, puis après le décès de celle-ci, Denise Adélaïde, une autre fille, sera sa seconde épouse.

Vincent Charlemagne PLUCHET 2 se marie en 1797 avec Geneviève Antoinette Michaux, fille d'un autre fermier du roi à Versailles Satory. A la vente des biens nationaux, il achète le domaine des Dames de Saint-Cyr de Trappes.

Grâce à son mariage il exploite différentes terres sur le plateau de Satory qui a été divisé lors de la vente des biens nationaux, les terres de Bois-Robert à Guyancourt, ferme achetée par son beau-père et les Essarts (130 ha) à partir de 1805, puis reste cultivateur à Trappes. Il est titulaire du bail de la ferme de Gally de 1806 à 1815 au nom de ses neveux. Il poursuit son activité à Satory pendant quelques années.

Il devient Maire de Trappes d'août 1811 jusqu'à son décès (1837). Alors, il se distingue en 1815 par des sacrifices personnels lors du passage des régiments prussiens et sauve son village des pillages entre le 30 juin et le 18 juillet; ce qui lui vaudra d'être chevalier de la Légion d'Honneur. Il se distingue également pour avoir su gérer les années de refroidissement climatique de 1816-1818 (année sans été) qui a évité à Trappes de pires catastrophes. Il a été Conseiller d'arrondissement.

Il Invente une charrue qui porte son nom et qui rafle les prix dans les concours agricoles ; elle sera utilisée sur le plateau de Trappes jusqu'à l'arrivée du tracteur ; il améliore le système de battage sur une autre machine.

On ne sait pas quel rôle il joua en qualité de maire au cours des événements de la Révolution de 1830. En effet lors de la fuite de Charles X et des armées qui l'accompagnaient avec sa suite, certaines de ses troupes bivouaquèrent à Trappes en même temps que le dauphin, Louis de France, Duc d'Angoulême . Chateaubriant raconte dans ses mémoires qu'elles n'y reçurent ni secours ni vivres. Le dauphin dormit dans une maison située en arrière du pays. Des soldats qui tentèrent d'aller chercher du pain furent tués.

Un officier de ,la Garde Royale, Hippolyte Poncet de Bermond note que le "village (d'environ 700 habitants) ne pouvait nourrir 8.000 hommes". Le dauphin et sa troupe - ce qu'il en restait étant donné les nombreuses désertions - quittèrent Trappes le lendemain pour rejoindre Charles X à Rambouillet. De plus, selon le Maréchal de Marmont, c'est aussi à Trappes que 7 colonels de divers corps se réunirent et décidèrent de se rallier aux insurgés de Paris.

Ensuite la commune vit s'arrêter toute une série de personnages, dont les négociateurs de l'abdications de Charles X, Odilon Barrot, le maréchal Maison, Auguste de Schonen et le duc de Coigny qui envoyèrent une dépêche, des hommes d'armes parmi lesquels Exelmans rallié à Louis Philippe. On relève les noms de 3 victimes civiles dont deux Trappistes.

Vincent Charlemagne décède à Trappes en 1837 des suites d'un accident de voiture qui s'est produit à Versailles. Il avait alors marié ses filles à de beaux partis, deux cultivateurs d'Ile de France et un fondeur qui deviendra le 1er fondeur de Paris, Charles Thiébaut (la ville de Paris compte un très grand nombre de statues de rue sortant des ateliers de cette famille) ; son neveu Vincent Charlemagne 3 sera maire de la Courneuve .

Ses biens de Trappes sont transmis à son fils Emile Vincent PLUCHET 1 qui a épousé Emélie LYONNET, fille d'un négociant, marchand de charbon de parisien.

Emile PLUCHET 1, né à Trappes en 1916 va se distinguer par le développement de l'exploitation qu'il porte à 400 hectares; il crée une sucrerie de betteraves qu'il remplace rapidement par une distillerie.

Il est le principal créateur de la race ovine "Ile de France" issue de mérinos et de moutons Dishley. Son cheptel compte 1700 bêtes. Avec cette nouvelle race qui satisfait à la fois la production de laine et celle de viande, il gagne un grand nombre de médailles dans les concours ou comices agricoles dont au moins deux se tiennent à Trappes.

Maire de Trappes de 1847 à 1871; il saura mettre à l'abri des sacs de farine qui échapperont aux Prussiens qui occupent le territoire et bivouaquent sur tout le plateau de Trappes pendant la guerre de 1870, alors que Paris est assiégée, empêchant cette année-là la culture (il est dit dans la presse qu'i s'agit d'un campement de 20.000 hommes). Rappelons qu'à quelques kilomètres de Trappes, Guillaume 1er a fait du château de Versailles son quartier général et que c'est dans la Galerie des Glaces qu'il sera déclaré empereur d'Allemagne le 18 janvier 1871.

Tout comme chez ses aïeux, les enfants d'Emile Pluchet 1 sont mariés à d'autres cultivateurs de son milieu ou des bourgeois en vue. C'est ainsi que la fratrie se retrouve plus ou moins éparpillée en Ile de France.

Son successeur au domaine de Trappes est son fils Eugène PLUCHET marié à Lucie DECAUVILLE, soeur de l'agriculteur de Voisins-le-Bretonneux, enfants de notables de l'Essonne.

Marie-Antoinette partira en Seine-et-Marne,

Vincent Charles, époux de Adèle Céline BERNIER, fille de négociant parisien, sera fermier au Coudray-Montceaux en Essonne de la ferme appartenant à Charles Oudinot, duc de Reggio, qu'il laissera à son fils Camille pour revenir à Trappes vivre de ses rentes et où il deviendra maire de 1900 à 1919. A cette occasion, il se fera épingler par la presse de gauche qui le critique pour une tendance à défendre les intérêts de fermiers et son refus public de la loi de 1905, faisant de Trappes une des communes les plus résistantes à la séparation des Eglises et de l'Etat.

Emile Henry, époux de Cécile Jenny PONSAR, fille de négociant en bois, devient agriculteur à Roye dans la Somme (celui-ci , de formation d'ingénieur, devient Président de la Société des Agriculteurs de France, Régent de la Banque de France),

Cécile épouse Emile SAINTE-BEUVE, agriculteur dans le Val d'Oise

Berthe reste célibataire.

Eugène PLUCHET, sans descendance, finira par céder son domaine à son neveu Camille, fils de Vincent qui à son tour, le vendra à une famille belge, les Cuypers qui resteront à Trappes jusqu'à l'installation de la ville nouvelle de Saint-Quentin en Yvelines.

ancienne ferme du Château ayant appartenu à la famille PLUCHET, aujourd'hui Centre Technique Municipal et résidence privée.


Nous avons vu ainsi la montée en puissance des fermiers laboureurs de l'Ancien Régime pendant lequel ils étaient devenus très riches de biens et d'argent, pour se retrouver en capacité, par le jeu des relations à l'intérieur de structures d'échange, et des mariages - donnant en général de nombreux enfants - de faire valoir leurs conceptions de la nouvelle agriculture sur une grande partie de l'Ile de France.

Les Pluchet et leurs descendants sont encore très souvent dans le monde agricole. L'un d'entre deux Bernard PLUCHET fut député de 1951 à 1955 et maire de Saussay-la-Campagne, sa petite-fille par alliance, Kristina PLUCHET est sénatrice de l'Eure depuis 2020 et vice-présidente de la Communauté de Communes du Vexin Normand.